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Kleist’s Penthesilea : a Warrior Caught up by Tragedy

Lucie THEVENET

[Publication en ligne : 20 mars 2017]

Résumé : Dans sa Penthésilée, Kleist transpose la guerrière éponyme, ancrée dans la tradition épique, sur la scène théâtrale et réécrit son destin en puisant dans les tragédies d’Euripide et de Sophocle. Le modèle des Bacchantes est bien connu : il permet de faire de Penthésilée la victime d’une folie envoyée par les dieux qui lui fait tuer son bien-aimé Achille, selon un déroulement qui calque le meurtre de Penthée par sa mère Agavé, mais encore faut-il comprendre que Kleist se fait plus plus tragique et plus dionysiaque qu’Euripide lui-même, en faisant expérimenter à Penthésilée le rite de l’ômophagie au moment clé où elle dévore la chair crue d’Achille, geste jamais explicite chez les bacchantes du substrat euripidéen. Quant à la fin de l’héroïne, c’est sur le modèle de celle de l’Ajax sophocléen qu’elle se construit : le guerrier épique archétypal, condamné au suicide dans le monde tragique, se révèle un modèle parfait pour la Penthésilée kleistienne, que l’amour jette dans une crise identitaire similaire, culminant dans le retour à soi après la scène de folie ; mais là encore c’est sur le mode du dépassement que tout se joue, puisque Penthésilée va mourir sans arme véritable d’un poignard métaphoriquement formé par ses propres sentiments. Kleist parvient ainsi à rendre sensible la violence extrême grâce au jeu de reprise qui lui fait outrepasser ses modèles et repousser les limites de la représentation.

Mots-clés : Kleist, Penthésilée, tragédie, Euripide, Bacchantes, Ajax, Sophocle, violence, anthropophagie, ômophagie, crise de folie, identité, suicide.

Abstract : In his Penthesilea, Kleist translates the eponymic warrior, rooted in the epic tradition, to theatrical stage, and rewrites her destiny by drawing elements from Euripides’ and Sophocles’ tragedies. The Bacchae’s pattern is well known : it allows to make Penthesilea the victim of a madness sent by the gods, which makes her kill her beloved Achilles, in the same way that Agave kills her own son Pentheus, but it must be underlined that Kleist becomes more tragic and more dionysiac than Euripides himself by making Penthesilea experiment the ômophagia’s ritual at the very moment when she devours Achilles’ raw flesh, a gesture that is never explicit in the Bacchae. As to the heroin’s end, it is built on the model of Sophoclean Ajax : the archetypal epic warrior, condemned to suicide in the tragic world, reveals itself to be a perfect model for Kleistian Penthesilea, who is thrown by love in a similar identity crisis that culminates in the return to consciousness after the madness scene ; but here too, it is based on the pattern of excess, because Penthesilea is going to die without a real weapon, by using a metaphorical dagger made of her own feelings. Kleist achieves thus to make extreme violence clear to our eyes thanks to a type of references that goes over his models and places further the boundaries of representation.

Keywords : Kleist, Penthesilea, tragedy, Euripides, Bacchae, Ajax, Sophocle, violence, anthropophagy, ômophagia, madness crisis, identity, suicide.

Pour citer cet article : Lucie Thévenet, « Kleist’s Penthesilea : a Warrior Caught up by Tragedy », Violence tragique et guerres antiques au miroir du théâtre et du cinéma (XVIIe-XXIe siècles), Tiphaine Karsenti et Lucie Thévenet (dir.), Atlantide, n°6, 2017, p. 91-104, http://atlantide.univ-nantes.fr